Famadihana suite

Avant que tout le monde n'arrive au cimetière, Damien , Aurélien et Batistin sont allés garer la voiture sur le site. Du coup, ils ont pris en photo le tombeau qui avait déjà été ouvert. On nous a expliqué que l'ouverture du tombeau se fait avec le contrôle des autorités (des policiers et l’état civil, je crois).

Quand le cortège est arrivé, le gros de la foule s'est massé entre le tombeau concerné et celui d'en face sur lequel se sont installés les musiciens. Tout le long du famadihana, à cet endroit, les gens ont dansé en étant tout serrés serrés , et pour beaucoup , au  fur et à mesure, de plus en plus alcoolisés.

Au bout d'un moment, des corps, enveloppés dans leurs linceuls, ont commencé à être sortis du tombeau. Ils étaient transportés dans des nattes (celles qui ont été amenées dans la procession) et portés à l'horizontale, à bout de bras. Ce sont d'abord les plus anciens qui sont sortis (il faut respecter le droit d'ainesse).

Légèrement à l'écart, les proches s'assoient sur le sol jambes allongées devant eux et accueillent leur ancêtres (Razana) sur leur genoux, ils les touchent, les caressent tout naturellement, cela semble tellement normal et naturel que l'on en oublie presque d'être étonné, on comprend à ce moment là à quel point les ancêtres font partie du quotidien des malgaches. Un jeune de quinze an qui s'est attaché à nous expliquer ce qui se passait -nous étions alors tranquillement juchés sur le tombeau d'en face- nous dit, alors qu'un nouveau corps arrivait vers le lieu où sa famille proche était assise avec déjà un bon lot de "corps emballés",  comme s'il nous présentait un nouveau venu : "et voici mon oncle". On aurait pu être tenté de croire -avec un point de vue européen- que s'il avait maitrisé parfaitement notre langue, il aurait dit "et voici feu mon oncle" ,mais  il n'en aurait  sans doute rien été, tant cette proximité avec ces morts qui sont encore toujours vivants ("ils dorment" nous dit-il) semble évidente.

En tout cas s'ils dorment, ils dorment tout de même très bien vu comment ils sont amenés à être secoué et valdingués...

Sans Titre

...après avoir été soigneusement "ré-emballés" dans une couche supplémentaire de linceuls (lamba mena) lors les danses collectives qui suivront.

Les lambas précédents ne sont  pas enlevés, si bien que l'on ne voit jamais l'intérieur. Ensuite le tout est solidement ficelé avec des morceaux de lamba que l'on déchire à cet effet. Prosaiquement, on a demandé, s'il arrivait que des corps tombent. On nous a assuré en riant que cela ne pouvait absolument pas arriver.

On s'est demandé aussi combien de corps ont été sortis du tombeau...? Mme Isabelle a dit peut-être 100... Nous, on dirait plutôt entre 40 et 60, mais c'est vrai que ce n'était pas facile d'avoir une vue d'ensemble, qu'il y en avait beaucoup ,  et que c'était très, très long.

Pour ramener chaque corps dans le tombeau, les danseurs lui font faire 7 fois le tour avant de rentrer.

Ce qui est étonnant pour nous , c'est que tout cela n'a rien de macabre: rien à voir par exemple avec l'ambiance d'Halloween ! A Halloween, on se rapproche de la mort, mais pour mieux jouer avec la peur qu'elle nous inspire, et  la mettre  à distance. Là, rien à voir, pas de frisson de terreur ou de répulsion , juste la joie de retrouver ceux qui ont disparus, et l'occasion de faire une grosse grosse fête !

Comments

[piedducol]

Eh oui, chacun sa façon de regarder la mort, sa mort et ses morts...
Biz à vous

[odile]

après plusieurs métiers cécile te voilà ethnologue !!!
de quoi casser nos représentations
ou d'en construire des "mondialisées"pour les enfants .
mais une question s'impose à moi
ce lien avec les morts donne t il un regard sur l'avenir plein d'espoir et d'envie d'agir ?

[Leo]

A oui sa a du être chouette vu la video vivement qu'on viennent vous voir

[Laurence]

Très étonnants !
Merci à vous intrépides voyageurs qui élargissez nos horizons!